67. J'ai regardé le film "La voix de Hind Rajab"
J’étais assise dans une salle sombre et glaciale, à côté de mon mari. Il me tenait la main de temps à autre, mais malgré sa présence, je me sentais terriblement seule. Seule face à la voix de Hind.
Hind Rajab, petite Palestinienne de cinq ans, à la voix angélique, résonnait dans toute la salle, portée par une technologie Dolby Atmos si puissante qu’elle semblait s’infiltrer jusque dans les recoins les plus profonds de mon esprit.
À peine cinq minutes après le début du film, je me suis retrouvée à sangloter en silence, veillant à ne pas déranger les spectateurs autour de moi. J’essayais d’ignorer les craquements de pop-corn et les froissements de paquets de chips, me concentrant sur cette conversation qui aura duré trois heures dans la vraie vie.
Trois heures pendant lesquelles Hind est restée coincée dans une voiture, prise pour cible par l’armée israélienne. Trois heures recroquevillée sous un siège, sans eau, sans nourriture, sans accès aux toilettes. Vous imaginez ? Une enfant de cinq ans. Je fixais l’écran géant, le souffle court, incapable de concevoir l’atrocité de la situation.
Chaque fois qu'un membre du Croissant-Rouge l’appelait, elle répondait. Et chaque fois, sa demande était la même, limpide comme de l’eau de roche : « Venez me chercher. Faites-moi sortir d’ici. » Une demande si légitime, si simple. Mais l’équipe du Croissant-Rouge ne pouvait que l’écouter, la rassurer, et attendre… attendre le fameux feu vert pour envoyer une ambulance.
La frustration que j’ai ressentie, assise dans mon fauteuil, est indescriptible. Il fallait une série d’autorisations, une dizaine d’étapes de coordination, ironiquement avec la même armée qui tirait sans discernement sur le peuple palestinien. Comment accepter que l’ambulance, située à seulement huit minutes de Hind, ait dû attendre des heures pour obtenir l’autorisation de la sauver ?
Les bruits de chips et de pop-corn se sont enfin tus. Le silence s’est installé, chargé de larmes retenues. Je me suis réfugiée dans mes pensées : comment une organisation humanitaire aussi reconnue n’a-t-elle pas pu sauver une enfant aussi vulnérable ? Elle répondait à chaque appel. Elle décrivait tout : les soldats, les corps de sa famille, son état, le sang autour d’elle… Elle n’a rien omis, cette petite.
Sa photo la plus célèbre la montre tenant son mortier, vêtue d’une toge de diplômée. Malgré le noir de la toge, Hind ressemblait à une colombe blanche, innocente, descendue tout droit du paradis.
L’émotion a culminé vers la fin du film. Le feu vert enfin obtenu, l’ambulance se dirigeait vers la voiture où Hind se trouvait. J’aurais voulu espérer qu’elle survivrait à ce calvaire. Mais je savais déjà qu’elle allait mourir. L’histoire avait fait le tour du monde, partagée des milliers de fois sur les réseaux sociaux.
Et puis, alors que l’ambulance était en route, elle s’est arrêtée brusquement. À travers la ligne téléphonique restée ouverte, on a entendu les tirs. Hind tenait ce téléphone depuis des heures.
L’armée avait tendu un piège. Elle a tué les ambulanciers. Et Hind. D’une pierre deux coups.
Les salauds. Je n’ai pas de mots assez forts pour les qualifier.
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